Je m’appelle Laura G., j’ai 47 ans (il paraît que j’en fait 10 de moins), et je vis à Fribourg.
Je suis une femme transgenre. J’ai deux enfants, un garçon de 19 ans et une fille de 15 ans. Je suis en cours de divorce, c’est un peu compliqué car depuis ma transition, toute ma famille et mes anciens amis ne me parlent plus. En même temps je viens d’une famille très religieuse qui a beaucoup de tabous. Moi, je n’en ai plus aucun. En soi, j’ai toujours eu peu peur de décevoir mes parents. Mon environnement familial m’enfermait dans des cases. Et ça a été de nouveau le cas par la suite dans mon mariage, qui a malgré tout duré 20 ans !
La seule personne de ma famille qui me parle encore aujourd’hui est ma cousine qui habite en Valais. Mais ce n’est pas grave, dès que je me suis acceptée en tant que femme, la vie à fait que j’ai croisé des personnes vraiment merveilleuses.
C’est le cas de mon ex-collègue et amie L. . C’est la première personne à qui j’en ai parlé. C’était fin 2015, entre Noël et Nouvel-an. Je pense que cela faisait en tout cas 2 ans et demi que j’étais en burn out. Un soir, au milieu de la nuit, j’ai fait une recherche Google avec la phrase : « troubles de l’identité » et « je veux être une femme ». J’ai trouvé un article du magazine 360, je l’ai lu et relu durant 1 heure et demie. Après, c’est comme si je m’étais sentie guérie. Je savais enfin qui j’étais ! Bien sûr je ne pouvais pas encore le crier sur tous les toits, mais à ce moment-là, L. a été tellement tolérante et compréhensive. C’est elle qui m’a aidé à prendre mon courage à deux mains pour la suite.
Ma première séance de psy ne s’est pas bien passée. D’ailleurs, je ne suis plus retournée aux séances. Pendant 2 ans, j’ai essayé de vivre mon identité féminine en tant qu’homme, mais je l’ai mal vécu. Je me suis réfugiée dans la nourriture et j’ai pris du poids, jusqu’à peser 123 kilos, c’était atroce. Je n’avais plus de travail et c’est à ce moment, en 2018, voyant dans quel état j’étais, que je me suis promis d’aller au bout de ma transition, quels qu’en soit le coût. J’étais en pleine dysphorie* de genre. Je m’étais enfin acceptée en tant que femme.
Grâce à deux personnes qui travaillent à l’ORP de Bulle, un monsieur et une dame absolument adorables, j’ai réussi à retrouver un emploi temporaire. Ça a été une sorte de renaissance. Et j’ai atterri chez Coup de Pouce à Bulle. C’est là-bas que ma collègue M. a été la première à me dire que la femme qui se cachait en moi était vraiment belle et que je ne devais pas avoir peur de la montrer !
Dans l’intervalle, j’ai passé des examens multiples pour des soucis de santé, mais je n’avais rien. Pour finir, ma doctoresse, un jour, m’a demandé ce que j’avais ? Avoir autant de symptômes alors que j’étais en bonne santé était un signe que je cachais quelque chose. Quand je lui ai dévoilé ma dysphorie de genre, elle a répondu : « Et bien c’est pour ça ! Vous ne pouvez pas vivre comme ça ! Elle m’a dirigé vers l’un de ses contacts à Lausanne, le Dr Laurence Adam. C’est elle qui a répondu la première fois à ma question « suis-je vraiment une femme ? ».
Et lorsqu’elle a répondu « oui », alors j’ai été infiniment soulagée, je voulais être au clair avec moi-même. Même si on est convaincu de ne pas avoir la bonne identité, la confirmation médicale est un passage important. Depuis, je ne me considère plus comme une personne transgenre, mais plutôt comme une femme lesbienne. Et maintenant que ma transition est presque terminée, je pense que des mots comme « transidentité » ou « transsexualité » sont pour moi des termes « de passage ». Aujourd’hui, je me vois comme une femme binaire, mais c’est ma façon de voir les choses, ça n’engage que moi.
Ma transformation a réellement débuté avec la prise d’hormones. Fin mars 2020, juste avant le 1er confinement j’ai vu un endocrinologue, à Lausanne (le Dr Marisa Pinnizotto). Elle a vraiment été super. Et j’ai commencé le 5 avril 2020. Mes hormones, prises à la maison, m’ont permis de débuter cette phase de transition un peu ingrate à l’abris des regards. Quand ma poitrine a commencé à grossir, j’ai paniqué ! Avant, je ne portais rien sous mon T-shirt et mes habits m’irritaient, je ne comprenais pas. C’est encore une autre amie, A., qui m’a aidé. Ensemble, on a choisi des brassières pour aller à mes cours de danse, j’espère y retourner un jour ! Heureusement que mon amie était là. Car, j’ai rapidement eu une poitrine assez visible. J’étais très étonnée !
J’avais trouvé un job 2019. Je travaillais (et travaille toujours) dans une entreprise de construction, SINEF SA à Givisiez. En 2020, dès la prise d’hormones, je ne pouvais plus cacher mes changements physiques. Mais il m’a suffi de faire mon coming-out et tout le monde m’a appelé Laura très rapidement. En quelques semaines, les RH ont remplacé mon prénom partout : sur mon email, sur mes documents, sur la porte de mon bureau. Du jour au lendemain ils m’ont tous genré au féminin. Je portais pourtant encore des habits d’homme, quoique ça n’a pas duré longtemps, mais grâce à leur attitude incroyable, tout a changé !
Côté sentimental, grâce à Facebook, j’ai rencontré une autre femme transgenre. On a commencé à sortir ensemble. Avec elle j’ai passé tout un tas de caps. Avant je n’avais pas une vie intime très intéressante, mais avec elle j’ai eu pleins de première fois comme un premier maquillage, une première jupe en public. Elle, ça faisait plus d’un an qu’elle était en transition. On a fini par se séparer, puis j’ai rencontré d’autres personnes, j’ai vécu plein d’expériences, mais dans l’ensemble j’ai rencontré plein de gens qui m’ont soutenue. Comme en juillet 2020, sur un groupe Facebook LGBT. Un ami m’a demandé d’être modèle pour sa formation en tant que « make-up artist ». Ca a été la première fois de ma vie que je me suis vue réellement femme dans le miroir.
Je veux remercier les docteurs et médecins qui m’ont aidée et m’aident dans ma transition et qui le font dans un respect total, avec beaucoup de compréhension et de bienveillance.
La Doctoresse Barbara Mijuskovic, à Bâle, qui a réalisé mes opérations et le personnel hospitalier qui est au petit soin avec nous. Je dois retourner me faire opérer prochainement. C’est très éprouvant. La dernière fois je n’ai pas pu marcher pendant 5 jours, mais tous ces gens sont là, ils sont super compatissants. Et grâce à eux, je suis enfin heureuse dans le genre qui me correspond.
*(La dysphorie de genre est caractérisée par une identification forte et permanente à l’autre genre associée à une anxiété, à une dépression, à une irritabilité et, souvent, à un désir de vivre en tant que genre différent du sexe attribué à la naissance – NDLR).