BACK TO TOP

Le témoignage de

Sofia et Léo – UNE MÈRE ET SON FILS

A Payerne, Sofia est la maman d’un jeune garçon trans, autrement dit FtoM. Mais avant de découvrir la raison du profond mal-être intérieur que son enfant a vécu auparavant, il leur a fallu passer ensemble par un long parcours qu’elle a voulu nous confier afin que son témoignage puisse servir à d’autres familles, et surtout à d’autres enfants comme le sien. Ainsi que le ferait toute maman aimante, elle parle désormais de Lui, y compris lorsqu’elle évoque des épisodes de son passé, avant sa transition.

« Tout a commencé quand l’école m’a contactée pour me dire que mon enfant se scarifiait. Il avait 13 ans et, jusque-là, je ne m’étais rendu compte de rien. Mais lui-même ne savait pas mettre un mot sur son mal-être. On a mis des choses en place, on a vu la psychologue scolaire, mais peu de temps après il a recommencé. Et là, j’ai eu vraiment très peur de le perdre parce que je me suis dit que tout ce qu’on avait mis en place n’était pas suffisant. Un jour, alors qu’on m’avait de nouveau appelée, je suis rentrée du travail et je lui ai demandé de me montrer ses bras. Là, je lui ai posé des questions pour savoir ce qui le rendait aussi mal. Mais il ne savait pas du tout comment l’expliquer. Alors, je lui ai demandé si je pouvais regarder dans son téléphone devant lui pour tenter de trouver une piste. J’ai trouvé un message de l’une des ses amies qui m’a interpellée. C’est à ce moment-là que je lui ai demandé s’il aimait les filles ? (Elle parle de « Lui » à présent, mais à ce moment-là il était encore de genre féminin – NDLR).  Il était dans tous ses états, et sur le moment il a nié. Alors je lui ai laissé du temps, je lui ai dit : « Quand tu seras prêt, si jamais tu as une réponse à cette question, tu me dis, et puis pour nous il n’y a aucun souci. » A ce moment-là, ce qui était important à mes yeux c’est qu’il se sente aimé, qu’il aille mieux et que pour nous, quelle que soit l’issue, rien ne changerait. Mais j’étais encore loin de me douter de ce qui allait se passer. »

Le temps passe, et l’adolescente qu’il est alors tombe amoureux d’une fille. Voilà qu’une relation commence entre eux, mais son mal être persiste malgré tout. « Puis, raconte sa mère, d’après ce qu’il m’a dit, un jour il a vu un témoignage d’une personne transgenre à la télé ou sur internet, et c’est là qu’il s’est identifié. Et il a fini par venir m’en parler. Ensuite, on en a discuté avec son pédiatre et c’est comme ça que tout a commencé. Le pédiatre a voulu attendre qu’il ait 16 ans pour commencer les démarches. Et du coup, on a attendu une bonne année avant sa transition. Il avait déjà 14 – 15 ans, et il avait envie que ça aille vite, donc on a dû trouver des stratégies pour le faire attendre. Pour moi, ça a été assez compliqué au départ, parce que ça travaille beaucoup. J’avais bien vu que ma fille était un peu garçon manqué, mais ça veut tout dire et rien dire à la fois. Je m’étais plus ou moins préparée à ce qu’elle m’annonce qu’elle préférait les filles, mais j’étais très loin de penser à la transidentité. Alors, psychologiquement, il faut du temps. J’ai quand même vécu 14 ans avec une fille sans me douter de rien et puis un beau jour il faut refaire tout un parcours très différent. Alors je dois dire que cette année où le pédiatre a décidé qu’il fallait attendre que la décision se confirme avec plus de maturité, ça m’a permis aussi de faire le chemin pour pouvoir moi-même être prête à l’accompagner. »

 

A son tour, Léo nous parle de son point de vue : « C’est au moment même où j’ai vu cette vidéo que je me suis directement identifié et j’ai compris que cette personne « trans » c’était moi aussi. Ça m’a fait un déclic. J’ai compris pourquoi je souffrais depuis tout ce temps. Après je n’ai pas tout de suite osé le dire à ma mère parce que j’avais peur de sa réaction, alors que je n’avais aucune raison d’avoir peur. Mais j’ai quand même eu besoin de quelques jours avant de lui dire. »

« Et puis, ajoute Sofia, tout ça se passe au moment de la puberté, avec son corps qui changeait d’une façon dont il n’avait pas envie. Il souffrait énormément par rapport à tout ça. »

 

« Aujourd’hui, dit-il, ça fait bientôt un an que je suis hormoné, mon changement de prénom est en cours et pour l’opération à la poitrine c’est aussi pour bientôt. A l’école ça a été un peu plus compliqué avec la réaction des gens. Mais sinon dès que j’ai commencé à travailler, c’était quand même plus facile qu’à l’école. »

« Il a quand même été obligé de réunir tout le monde, reprend Sofia, lorsqu’il a commencé son stage. Il leur a demandé de l’appeler par son nouveau prénom parce que le changement n’était pas encore officiel. Donc il a dû s’expliquer devant ses camarades et collègues. Le changement de prénom ça va quand même lui simplifier la vie, parce qu’il va pourvoir changer ses papiers d’identité, et il n’aura plus besoin d’expliquer son histoire à tout le monde. Moi-même je suis encore obligée d’inscrire son ancien prénom dans toutes les démarches administratives que je fais pour lui, donc le changement de prénom ça va vraiment faciliter beaucoup de choses, et lui il se sentira aussi plus respecté par rapport à ça. »

Léo a effectué un stage au sein du personnel soignant de l’hôpital de Payerne en tant qu’infirmier et il souhaite s’inscrire dans une école à Lausanne. « C’est ça qui m’attire », dit-il. « En fait, c’est pour ça que je veux faire cette école, parce qu’après j’aimerais faire une formation pour être éducateur et travailler dans des foyers pour adolescents qui ont des difficultés ou des problèmes familiaux. »

Sa maman conclut notre entretien par ces derniers mots : « Je parlais il n’y a pas longtemps avec une personne qui me disait qu’il y a un effet de mode autour de tout ça. Et je lui ai répondu qu’il y a surtout plus d’ouverture aujourd’hui pour que les personnes puissent dire ce qu’elles ressentent. Nous, on vient quand même d’une culture assez machiste, je peux le dire, mais le fait de juste respecter ce que vit mon fils c’est suffisant, on ne demande pas que l’on comprenne ou que l’on adhère à quoi que ce soit. Il faut juste respecter sa vie et ce qu’il ressent, c’est tout. »

Découvrez nos réseaux